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Pourquoi voyager en Afrique coûte aussi cher?

Etant un amoureux de voyage et de découverte, l’un de mes rêves est de sillonner tous les pays d’Afrique. Cependant, voyager en Afrique, que ce soit d’un pays à un autre sur le continent ou depuis l’étranger, coûte littéralement un rein en plus parfois d’avoir à faire de longs détours et de longues escales. Cette réalité contraste avec d’autres régions du monde, où les voyages interrégionaux sont parfois bien plus abordables. Mais alors, pourquoi voyager en Afrique coûte-t-il aussi cher? C’est ce que nous allons essayer de voir ensemble dans cet article.

Le coût des billets d’avion pour voyager en Afrique

Ce n’est un secret pour personne, le prix des billets d’avion en Afrique est notoirement cher par rapport à d’autres régions du monde. 2600 km séparent Niamey de Dakar à vol d’oiseau. C’est à peu près la même distance qui sépare Paris de la ville d’Athènes en Grèce (2877 km exactement). Et pourtant, sur la même période, un billet d’avion Niamey vers Dakar coûte au moins 6 fois (et pouvant monter jusqu’à 10 fois) plus cher qu’un billet Paris-Athènes. Et pour couronner le tout, sur le tronçons Niamey-Dakar, aucune option n’existe sans escale.

Plusieurs raisons expliquent cette situation, parmi lesquelles :

Le manque de concurrence :

Comparé à d’autres continents comme l’Europe ou l’Asie, l’Afrique dispose d’un nombre limité de compagnies aériennes opérant sur des routes interafricaines. De nombreux pays africains ont des compagnies aériennes nationales, souvent sous-capitalisées, qui peinent à être compétitives sur le plan des prix. En revanche, l’Europe bénéficie d’un marché aérien libéralisé, favorisant l’émergence d’un secteur dynamique, avec de nombreuses compagnies en concurrence sur différentes liaisons. Par exemple, Air France peut opérer de nombreux vols entre des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou le Portugal, contribuant à un trafic aérien fluide et accessible.

Cependant, l’espace aérien africain reste très fragmenté. De nombreux pays maintiennent des politiques protectionnistes qui limitent la concurrence, faisant ainsi grimper le coût des voyages. La Décision de Yamoussoukro de 1999, qui visait à libéraliser le transport aérien en Afrique, a été mise en œuvre lentement, freinant les opportunités de croissance pour les compagnies aériennes. De plus, les compagnies internationales qui desservent l’Afrique imposent des tarifs plus élevés, en raison de la rareté des vols et des routes couvertes.

En termes de volume de vols, l’Europe compte un grand nombre de compagnies aériennes, y compris des transporteurs “low cost” comme Ryanair et EasyJet, qui dominent le marché des vols court-courriers. Ce dynamisme contribue à un impressionnant total de plus de 38,9 millions de vols annuels dans le monde. En Afrique, en revanche, le nombre de compagnies aériennes est bien plus restreint, et les vols entre pays sont nettement moins fréquents.

Les taxes et redevances aéroportuaires élevées :

De nombreux aéroports africains imposent des taxes et des frais très élevés pour les compagnies aériennes, qui se répercutent ensuite ces coûts sur les passagers. Les taxes aéroportuaires peuvent parfois représenter jusqu’à 50 % du prix total du billet.

Sur ce graphique issu du rapport sur les perspectives du transport aérien établi par l’association des compagnies aériennes africaines sur le premier trimestre de l’année 2024, on constate que parmi les aéroports sélectionnés, Luanda a le niveau de redevances le plus élevé et Alger le niveau le plus bas.
Addis, Johannesburg, Casablanca et Nairobi, qui sont parmi les aéroports les plus fréquentés d’Afrique, facturent moins que la moyenne. Cela indique que la réduction des redevances aéroportuaires peut avoir un effet positif sur le trafic.

Les coûts opérationnels élevés :

Le coût du kérosène, les frais de maintenance des avions et d’autres frais liés aux opérations aériennes sont plus élevés en Afrique en raison du manque d’infrastructures de support et des frais logistiques. Cela inclut également des coûts plus élevés pour l’importation de pièces détachées pour la maintenance.

Des trajets souvent longs et indirects :

Voyager entre certains pays africains nécessite parfois (et même la plupart du temps) des détours vers les hubs des compagnies pour des escales, ce qui allonge la durée du voyage et augmente son coût. Par exemple, pour voyager entre Niamey et Bamako, deux capitales africaines distantes de seulement 1.376 km, il faut soit passer par:

  • Ouagadougou (Burkina Faso) et changer d’avion puis rallier Bamako

  • Cotonou (Bénin) puis Lomé (Togo) avant d’arriver à Bamako

Et donc pour un voyage qui se ferait en vol direct en moins de 2 heures, on perd pas moins de 8 heures à cause des détours et du manque de connexions directes.

Ce cas n’est malheureusement pas un cas isolé et impacte la majeure partie des pays africains. Un rapport de l’IATA (association du transport aérien internation) de 2021 révèle qu’entre les 1.431 routes intra-africaines possibles, seulement 19 % bénéficient d’au moins un vol direct hebdomadaire, mettant en lumière le manque de services aériens sur le continent. Cela est confirmé par une étude plus récente de l’association des compagnies aériennes africaines qui montre dans le détail le nombre de connexions directes des pays qui représentent les plus grands hubs vers les autres pays du continent.

Voyager en Afrique coûte cher à cause des taxes

On constate que parmi les 54 pays du continent, seulement 7 ont une connexion directe vers plus de 20 autres pays. L’Ethiopie fait la course en tête, suivie du Maroc et de l’Afrique du Sud.

Le manque d’infrastructures terrestres et ferroviaires:

Le coût élevé des déplacements en Afrique n’est pas uniquement lié aux voyages aériens. Le manque d’infrastructures terrestres et ferroviaires efficaces rend la mobilité difficile et coûteuse à l’intérieur du continent.

Routes :

L’Afrique possède environ 2,8 millions de kilomètres de routes, mais seulement un tiers de celles-ci sont pavées, ce qui signifie que la majorité des routes sont en mauvais état ou inexistantes. Les infrastructures routières sont souvent concentrées dans certaines régions, comme en Afrique du Sud, au Kenya, au Maroc et en Égypte. En revanche, de nombreux pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest ont de graves lacunes en termes de routes praticables, ce qui rend les déplacements par voie terrestre très lents (voir impossible) et surtout très dangereux.

Chemins de fer :

Le réseau ferroviaire africain est également peu développé, couvrant environ 75.000 kilomètres, dont la majorité se trouve en Afrique du Sud. Le transport ferroviaire est peu utilisé dans la plupart des autres pays africains en raison de son état de délabrement ou de son absence. En Afrique de l’Ouest, par exemple, les trains couvrent de longues distances, mais ils sont souvent lents, vieillissants et peu fiables.

Zones sans infrastructures :

Les zones rurales ou enclavées sont particulièrement touchées par le manque d’infrastructures de transport. Dans des pays comme le Tchad, la Centrafrique, ou encore la République Démocratique du Congo, les routes praticables sont rares et les voies ferroviaires quasi inexistantes. Cela augmente considérablement le coût du transport des biens et des personnes.

L’absence d’intégration régionale

L’Afrique souffre également d’un manque d’intégration régionale en termes de transport et de libre circulation des biens et des personnes. Contrairement à l’Europe, où l’Union européenne a facilité la mobilité intra-régionale, l’Afrique est divisée en plusieurs blocs économiques régionaux (CEDEAO, SADC, CEMAC, etc.) qui ne coopèrent pas toujours efficacement en matière de transport. Les frontières terrestres sont souvent fermées ou soumises à des contrôles stricts, ce qui ralentit les flux de personnes et de marchandises. Parmi les 54 pays du continent, près de 60% n’ont pas accès à au moins la moitié des pays sans requérir de visa comme en témoigne le graphique ci-dessous tiré du visa openness index:

A cette fragmentation on peut aussi rajouter une absence de coordination dans la construction d’infrastructures. Les routes et les voies ferrées ne sont pas toujours reliées entre elles, ou sont construites avec des normes différentes selon les pays, rendant les trajets plus compliqués et coûteux.

L’impact des investissements étrangers

Les investissements étrangers en infrastructures africaines se concentrent souvent dans des projets destinés à l’exportation des matières premières, plutôt que sur le développement d’un réseau de transport interrégional efficace. Par exemple, de nombreux projets de routes ou de voies ferrées visent à faciliter le transport des ressources minières vers les ports pour l’exportation, mais ne desservent pas les zones habitées ou ne relient pas les principales villes entre elles.

Conclusion

Voyager en Afrique reste un défi financier majeur, que ce soit par avion ou par voie terrestre. Le coût élevé des billets d’avion est principalement dû au manque de concurrence, aux taxes et frais aéroportuaires élevés, ainsi qu’à la faible connectivité entre les pays africains. Par ailleurs, le manque d’infrastructures terrestres et ferroviaires complique les déplacements intra-continentaux, augmentant ainsi les coûts de transport. Il est urgent de renforcer les investissements dans les infrastructures de transport en Afrique, de promouvoir une plus grande intégration régionale et de favoriser la concurrence dans le secteur aérien pour réduire les coûts et faciliter les voyages à travers le continent. Dans un prochain article, je reviendrais sur des voies et moyens qui pourraient être adoptés pour palier à tout cela.

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