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Retrait des forces françaises en Afrique Francophone: la fin de l’hégémonie

La fin de la présence des forces françaises au Tchad et au Sénégal est un événement majeur qui marque un tournant historique dans les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines. Ce retrait survient après celui des troupes françaises du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et soulève des questions fondamentales sur les raisons de l’engagement militaire français en Afrique, les motifs qui ont conduit à leur départ, et les perspectives d’avenir pour ces pays africains qui, pendant des décennies, ont été au cœur de l’influence militaire française.

Les événements qui se déroulent actuellement dans ces nations soulignent un changement de paradigme profond dans le paysage géopolitique africain. Le retrait des bases françaises et la montée de la contestation anti-française ne sont pas des phénomènes isolés, mais s’inscrivent dans une dynamique régionale plus large où les pays africains, longtemps considérés comme des sous-traitants de la sécurité mondiale, revendiquent aujourd’hui une plus grande autonomie, à la fois sur le plan politique, économique et sécuritaire.

Les raisons de l'arrivée des forces françaises en Afrique:

Pour comprendre le retrait des troupes françaises, il est nécessaire de revenir sur les raisons qui ont justifié leur présence sur le continent. Dès les années 1960, la France a établi une présence militaire dans ses anciennes colonies, en grande partie pour maintenir une forme d’influence sur un continent dont elle souhaitait assurer la stabilité tout en préservant ses intérêts. L’opération Serval, lancée en 2013 au Mali, et l’opération Barkhane, déployée dans la région du Sahel, sont des exemples emblématiques de cette stratégie militaire.

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L’argument principal avancé par la France pour justifier ces interventions était la lutte contre le terrorisme et la stabilisation de pays en proie à des conflits internes. Ces pays, notamment le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et le Sénégal, se trouvaient alors sous la menace croissante de groupes djihadistes, tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Boko Haram, ou encore l’État islamique. La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, a estimé qu’il lui revenait de garantir la sécurité de la région, ce qu’elle a souvent présenté comme une responsabilité historique et stratégique.

En parallèle, la France a cherché à sécuriser ses investissements économiques, notamment dans l’exploitation des ressources naturelles, et à préserver sa position géopolitique dans une région stratégique pour la lutte contre le terrorisme international. De plus, ces bases militaires ont également servi à appuyer les régimes en place, souvent fragiles, afin de maintenir un certain ordre dans des États en pleine instabilité.

Pourquoi les bases françaises sont-elles déboutées ?

Cependant, l’équation n’est plus aussi simple aujourd’hui. Le retrait des forces françaises du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Tchad et du Sénégal, loin de n’être qu’un ajustement militaire, est également le reflet d’une profonde remise en question de l’ancien ordre mondial. Plusieurs facteurs convergent pour expliquer cette évolution.

  1. Un sentiment anti-français croissant
    Dans plusieurs pays africains, la présence militaire française a été perçue comme une forme de néocolonialisme. La France est accusée de défendre ses intérêts au détriment des souverainetés nationales. Les interventions françaises, bien que présentées comme des missions de paix et de stabilité, ont souvent été perçues par la quasi-totalité de la population comme un maintien d’une domination étrangère. Des manifestations populaires ont régulièrement exigé le départ des troupes françaises, mettant en lumière un rejet grandissant de l’ingérence militaire étrangère, perçue comme inefficace, voire contre-productive.
  2. Les échecs perçus des interventions militaires
    Malgré l’engagement massif des forces françaises, la situation sécuritaire dans des pays comme le Mali ou le Burkina Faso ne s’est pas améliorée de manière durable. Au contraire, la violence des groupes djihadistes s’est intensifiée dans certaines régions, alimentant le sentiment que les interventions françaises étaient incapables de résoudre les problèmes de fond. De plus, l’impossibilité de garantir la stabilité à long terme a conduit de nombreux Africains à douter de l’efficacité des solutions militaires imposées de l’extérieur. Le manque de résultats tangibles a donc nourri la frustration et renforcé l’idée selon laquelle les pays africains devraient prendre en charge leur propre sécurité.
  3. Les changements politiques et les coups d’État
    Le renversement de régimes au Mali, au Burkina Faso et au Niger a radicalement changé la donne. Les nouveaux dirigeants, tous issus de coups d’État, ont exprimé clairement leur volonté de mettre fin aux accords militaires avec la France. Ces changements politiques ont été accompagnés d’une nouvelle orientation stratégique qui privilégie l’indépendance vis-à-vis des puissances étrangères, et notamment la France. Ces gouvernements ont souvent recherché des partenariats alternatifs avec des pays comme la Russie ou la Chine, voyant en ces nations des alliés potentiels, moins empreints de l’héritage colonial.
  4. La montée en puissance du sentiment panafricaniste
    Parallèlement aux changements politiques, la montée du panafricanisme, une idéologie qui appelle à une solidarité entre les peuples africains pour promouvoir l’indépendance et la souveraineté continentale, a renforcé les voix critiques envers la présence française. La jeunesse africaine, particulièrement active sur les réseaux sociaux, a fait entendre sa colère contre l’ingérence française et pour un rééquilibrage des relations internationales. L’objectif est de créer un avenir où les pays africains n’auront plus besoin de dépendre d’anciennes puissances coloniales pour assurer leur stabilité.

Perspectives d'avenir pour ces Etats:

Le retrait des forces françaises du Tchad et du Sénégal marque un tournant, mais ouvre également la voie à des évolutions possibles dans la région. Bien que le départ des troupes françaises puisse apparaître comme un vide, il présente aussi des opportunités pour les nations africaines de prendre les rênes de leur propre sécurité.

  1. Renforcement des capacités locales
    Les pays africains devront désormais renforcer leurs propres forces de sécurité. Cela implique la création d’institutions militaires et policières robustes, capables de répondre aux menaces internes et externes. Des efforts seront nécessaires pour former des armées africaines, mais aussi pour investir dans des infrastructures de sécurité permettant de protéger les populations et maintenir l’ordre. Toutefois, cela ne pourra se faire qu’à condition que les États africains augmentent leurs budgets de défense et offrent une formation adéquate à leurs soldats.
  2. Nouvelles alliances et partenariats stratégiques
    Avec le départ de la France, ces pays devront diversifier leurs alliances. L’essor de la Russie, avec des figures comme le groupe Wagner, ou de la Chine, qui développe des partenariats économiques et militaires à travers la Belt and Road Initiative, pourrait transformer la géopolitique de la région. Cependant, l’Afrique pourrait également explorer des solutions régionales en renforçant les partenariats avec d’autres pays africains, en développant une force de sécurité sous-régionale capable d’intervenir efficacement.
  3. La coopération régionale renforcée
    La fin de la présence militaire française pourrait encourager des initiatives de coopération régionale renforcée. C’est déjà le cas de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui a vu le jour au lendemain du coup d’Etat militaire du 26 Juillet 2023 au Niger, contre lequel la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) menace alors d’intervenir sous l’impulsion des forces occidentales et françaises. Ces organisations doivent non seulement répondre aux défis sécuritaires mais aussi promouvoir des politiques de développement durables et inclusives pour prévenir la radicalisation et les conflits.

Conclusion: une transition vers la Souveraineté Africaine

Le départ des troupes françaises du Tchad et du Sénégal n’est pas simplement la fin d’un cycle militaire ; il marque l’émergence d’une nouvelle ère pour l’Afrique francophone. Ce processus de retrait pourrait incarner un renouveau pour le continent, où les États africains, en particulier ceux du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, pourraient revendiquer une plus grande autonomie. Cependant, cela nécessite des efforts coordonnés pour renforcer les institutions locales, développer de nouvelles alliances stratégiques et promouvoir une coopération régionale plus solide. L’Afrique, débarrassée de l’influence coloniale, pourrait enfin prendre en main son avenir, avec de nouvelles opportunités pour relever les défis de la sécurité et du développement.

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